J'ai croisé hier S. Bundita Touloupe chez un ami commun. De passage à Paris l'écrivain a vite donné le ton à ce moment mémorable.
Comme chaque fois, le diner qui partait pour être banal et ennuyeux à gentiment glissé dans la folie. Et S. Bundita Touloupe de rapeller combien l'acte d'écrire était un combat illusoire contre le sens et la raison. "Qu'il suffisait parfois de retrousser une virgule pour faire l'amour à son récit. "
J'ai rencontré la première fois S. Bundita Touloupe vers la fin du siècle dernier, je crois que c'était dans l'atelier-squat d'André Robèr mais je peux me tromper. Bien que nous lisions de la poésie, parlant d'art et de révolution nous étions surtout totalement bourrés. Touloupe à un talent dans l'alcool qui confère à la désintégration moléculaire. Il se déconstruit autant qu'il se précipite avec la boisson dans un univers qu'il considère exigent. De Bukowski il tire sa référence poétique. Affirmant des strophes sublimes en anglais, envolées ponctuées de Roumain. Il y ajoute souvent l'engrais d'expressions moldaves que nul n'oserait traduire tant elles évoquent l'intimité féminine - ce qu'elle a de plus magique, ostentatoire et illimitée - Touloupe vénère le cul comme d'autre croient en la révolution d'octobre. Il enfourne sa poésie comme son écriture d'un monde en friche, dont la seule marque, dont le seul signe perceptible serait nos épanchements et nos fornications joviales ou désespérées... Touloupe vole dans Gombrovitch certains sens du paradoxe, un ton absurde et anti-nationaliste autant qu'un gout immodéré pour l'immaturité et le rejet des églises. Son père était, je crois, prêtre orthodoxe à Tiraspol.
Il s'est senti hier soir investit d'une mission supérieure. Impressionner une blonde assise à sa droite. Il explique qu' il s'envole pour Londres à l'aube afin de convaincre son éditeur de lui verser une avance. Il a l'intention d'acheter un appartement sur Kensington Road, car, dit-il, la rue abrite l'un des treize refuges pour les cochers, utilisé par les chauffeurs de taxi de Londres, pour acheter de la nourriture et de la boisson.
Et, bien que titubant sur le pont d'un navire imaginaire au milieu d'une tempête littéraire, le voilà qui se lève et nous raconte comment, à dix ans, le jeune Bukowski ressent ce qu'il décrira plus tard comme : "le premier jour de sa vie d' écrivain". Régulièrement tabassé par son père, Bukowski est en plus forcé par un instituteur sadique d'écrire une rédaction qui sera lue devant toute la classe sur la visite du président Hoover. Visite à laquelle il n'a put assister, empêché par son tyran paternel. Alors Buckovski invente de toutes pièces les événements qu'il n'a pas pu voir et, devant le succès de son travail, découvre la puissance des mots, ainsi qu'il le rapporte dans "Souvenirs d'un pas grand-chose". Il devient écrivain.
Touloupe après cette explication ouvre un carnet de cuir et nous lit en anglais un extrait se ce nouveau texte sur lequel il travaille. Souvenirs d'enfance ? C'est brillant comme toujours, fouillant dans les pires pulsions de l'âme humaine pour mener la conjugaison de faits ordinaires en mayonnaise érotique. Touloupe procède toujours ainsi, dans son écriture comme dans sa vie par la même analogie : De l'Ukraine où il semble qu'il ait fait des études de physique, il ne parle jamais, se contentant d'expliquer, à qui lui pose la question : "qu'il est aussi indispensable de regretter l'avenir que d'organiser son passé."
Spiridon Bundita Touloupe est un écrivain Moldave qui n'est toujours pas publié en Français.
photos V. Gombrovitch, C Buckovski.
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