Voilà une photo, soumise à quelques auteurs sur site internet : le blog à mille mains (façon follow the story ) pour inspirer un texte. Alors pourquoi ne pas jouer ? Je n'ai pas pu résister à l'envie d'écrire un truc (contre l'avis de mon éditeur et en présentant mes excuses à Alecska). A vous de décider... si c'est bien ?
Elle était partie de chez elle ce jeudi en début d'après midi, expliquant à Bertrand qu'elle "montait" en région parisienne au chevet d'un parent soufrant. elle serait de retour demain soir, promis ! Son Mari n'avait pas à s'inquiéter.
Personnellement je déteste cette expression " descendre" dans le midi. Elle est autant ridicule que fausse, il n'y a pas plus de pente vers le sud que de montée vers la capitale. Toujours est-il qu'une fois encore je la suivais. Et en fait de descente j'ai avalé les escaliers, des rues piétonnes mal pavées. Comment peut-on faire des centre villes modernes aux dalles disjointes ou l'on se tord chevilles, talons et roulettes de valises... Comme chaque fois, je m'exécute avec la plus grande discrétion.
Moi qui suis adepte des taxis et des couloirs d'aéroports internationaux me voilà me frayant discrètement dans son ombre, un chemin entre des employés et des clochards. Moi qui suis né pour les grands voyages au bout du monde, je me retrouve à arpenter cette ville depuis des mois. Je la suis inlassablement dans ses pérégrinations, dans des couloirs d'hôtels, des chambres discrètes et ruelles autour de la gare.
Le menu est toujours le même et la recette ne change jamais :
Bertrand, son mari déteste Paris. C'est donc avec joie qu'il décline l'invitation bien pesée de son épouse.
- Je ne te demande même pas si tu veux venir ?
- En pleine semaine tu n'y penses pas et tu sais bien que dormir chez ton grand-père avec tous ces chats ...
Et voilà le mari débarrassé d'une corvée, il pense déjà à son plateau TV de ce soir devant un match de foot. Et l'épouse libérée du joug des convenances se pare pour s'adonner sans retenue aux délices du voyage.
Elle claque la porte et je me met en route au rythme de ses pas, Presque en mesure. J'avoue : j'aime le bruit de ses talons sur le pavé. Elle est élégante, à chaque fois plus belle, insaisissable de liberté. Aucune femme ne peut l'égaler dans ces moments là.
Cette fois encore elle ne va ni à la gare, ni à l'aéroport évidement. En franchissant la grande place piétonne ou bourdonnent seulement quelques tramways, elle se retrouve dans une sorte d'immeuble faisant office de galerie marchande. Elle traverse ce temple de la consommation d'un pas assuré, se glisse par un escalator vers un niveau ultra moderne de bureaux et d'hôtels. Et à peine 15 minutes après avoir quitté son domicile la voilà qui entre dans l'un deux et se jette dans l'ascenseur. Je n'ai d'autre choix que celui de suivre et je me retrouve coincé contre la porte. Le tissus léger de sa robe me frôle. Je remarque ce parfum que je ne lui connaît pas. Troisième étage, la porte s'ouvre, couloir; chambre 309
- Bonjour mon amour.
- Ca va? Tu n'as pas eu de mal à te libérer... Il n'a rien dit ?
- Penses-tu, nous avons toute la nuit enfin ensemble jusqu'à demain soir. Il ne se doute de rien.
- Quel bonheur mon amour de t'avoir à moi seul tout ce temps.
Ils s'enlacent, elle l'embrasse. Ils ont l'air affamé de cet amour et oublient de fermer la porte. Elle tombe sur le lit, il la caresse. La robe claire tombe déjà sur le sol. Elle y restera jusqu'au lendemain soir.
La décence ainsi que la bienséance m'interdisent de passer plus loin le récit de ce laps de temps. Je laisse à chacun le soin d'envisager le déroulement des 24 heures suivantes. Je dirai seulement qu'elles furent de toute évidence à la hauteur de votre imagination, que, sur ce sujet, je devine débordante. Cela me permettant de vous épargner la longue description de contorsions qui se révèlent parfaitement inappropriées au concept d'une énumération rigoureuse.
Le lendemain soir. Il est 21h30 ; elle a reculé le plus longtemps possible le moment de se séparer de son amant.
- S'arracher à cette chambre c'est trop dur.
- Tu veux Le quitter ?
- Et toi tu veux La quitter ?
Les mots des amants qui résonnent dans la nuit, sont toujours les mêmes.
Il est tard elle doit partir, se regarde dans le miroir de l'ascenseur, les yeux clairs.
Il fait doux, elle n'a pas remis sa veste et marche d'un pas déterminé. Elle est songeuse tandis qu'elle fait le chemin vers le domicile conjugal. J'imagine ses pensées. Mentir ? Tout lui dire ! Au fond il y a dans toute cette histoire quelque chose qui l'excite. Elle va continuer à jouer. Elle coupe par une petite rue pour rejoindre la grande place, de là elle sera à deux pas de son appartement.
Et moi, derrière elle, moi qui sait tout, j'avoue que j'aime ces escapades enivrantes et empruntes de romance. Si elle me le demandait je lui dirais volontiers mon opinion. Je lui avouerais mon dévouement. Moi qui la suis depuis des mois, je sais à sa démarche reconnaître quand elle a peur, quand elle est impatiente ou excitée. Si elle savait comme je lui suis fidèle. Mais qui se soucie de mon avis ? Moi qui ne suis après tout que la valise à roulettes qu'elle traîne partout lors de ses faux voyages.
Laurent Nicolas
pour le blog à mille mains.
auteur de Nuit off, aux editions lilo
(;-)
Rédigé par : ricohoho | 16 mars 2010 à 22:44
Merci pour votre participation. Souhaitez-vous donner un autre titre à votre texte pour publications sur le blog "Jeux d'écritures. Le blog à mille mains." ? Dans ce cas merci de me communiquer le titre choisi par mail : [email protected]
Rédigé par : Madame Kévin | 16 mars 2010 à 22:56
j'adore
Rédigé par : valerie | 16 mars 2010 à 23:08
moi aussi!
Rédigé par : geneline | 20 mars 2010 à 18:54
yes trop mortel la chute
Rédigé par : bCouré | 20 mars 2010 à 19:59
j'ai les chevilles qui gonflent ... merci ... c'est juste un clin d'oeuil aux autres nouvelles du bouquin ... ( à suivre, ce que je suis en train d'écrire n'a rien à voir)
Rédigé par : laurent nicolas | 20 mars 2010 à 22:53
Cela donne envie d'acheter le bouquin pour lire les autres - voir site editions lilo -
:-)
Rédigé par : lyle | 25 mars 2010 à 12:53
Cette photo me rappelle une photo que Jean Loup sief avais prise a New york, on voyais une fille de dos qui téléphonnait a une cabine publique, elle était super sexy et le titre de la photo était:
"fille ou garçon? Pour le savoir il faut payer!"
Rédigé par : Camille | 06 octobre 2010 à 22:11
Très beau texte, très bien ecrit !
j'aime beaucoup la chute de l'histoire !
Rédigé par : camera espion | 14 août 2011 à 16:51