Les alergies de printemps ont dues chatouiller les moustaches d'Eole cette nuit. Voilà qu'un vent d'Est a soufflé la chaudière comme on éteindrait une bougie... La maison cachée en haut d'une jolie colline est frappée de plein fouet par le courroux du zéphyr. La baraque a retrouvée ses allures d'entant. Grelottant sous la pluie de Pâque, frémissant à chaque rafale, craquant et gémissant sous les rageuses bourrasques, elle tient bon mais l'aisse entrer le blizzard. Du fond de mon lit je sens un courant d'air glacial entrer de toute part me chatouillant le visage. C'est qu'il est froid le coquin. Et comme l'affaire à elle seule ne semble pas servie pour la soirée voilà qu'avec la nuit redouble les giboulées. Même le bois dans la cheminée a finit de fumer, la température n'en finit plus de tomber tandis que de tous cotés la baraque gémit. Donnant à chaque grincement l'impression d'un navire en pleine mer, donnant le sentiment d'être à bord d'une embarcation à la coque inversée, échouée face à la vallée depuis des années. Les ramures du jardin-fôret comme des vagues ajoutent à l'illusion.
La tempête fait rage et il ne reste plus qu'à s'accrocher comme le ferait un marin, confiant en son bâtiment, et remettant en la charpente sa destinée pour une nuit de tumulte que l'aube viendra effacer.
Il y a toujours un moment où le corps et l'esprit eux mêmes, ressemblent à cette maison dans la nuit. Déchirés, comme abandonnés par de sourdes douleurs qu'hérissent la mémoire. De lointaines blessures, de mauvaises cicatrices ; la crainte aussi que la charpente ne se soit lassées des assauts répétés de la vie. Qu'elle cède et abandonne le combat... On aimerait parfois qu'il n'y en eut pas autant. Que par moment les mauvaises grâces et leurs caprices n'eussent usée les tracasseries et les désagréments. Mais dans ces nuits de tumultes c'est noires que se tapissent les idées pour mieux attaquer. Ces vilains rhumatismes viennent extirper quelques sombres idées et de vilains présages. La vie s'est bien occupée d'embarquer à bort un plein chargement de galères qu'on en vient encore à redouter qu'elle ne soit pas rassasiée et qu'il reste encore de la place pour ces vilaines cargaisons. Les angoisses sont heureuses à leur tour de frapper la coque du navire, arrachant de ci de là les cordes tendues en amarres de la raison. C'est dans ce sombre effroi que me trouvera l'aube, une ivresse bien connue du navigateur, lorsque la tempête menace à tout moment de vous projeter contre quelques récifs. Il ne reste alors qu'à rester planté, face au vent et le visage fouetté par la pluie, pour tenter de redonner tout son sens à sa vie.
Le tempête retombée me laissa prêt à tout, apte à assumer de nouveaux assauts. Au petit déjeuner, comme je fais remarquer à toute la maisonnée que la tourmente a fait rage. Une fois encore on me rétorque le calme et le ciel dégagé de la nuit. Non franchement personne n'a rien remarqué. Au petit déjeuner je regarde incrédule les convives qui conversent joyeusement. Un gros bourdon, premier de la saison, se permet même d'ajouter du bucolique au spectacle. Un ciel bleu éclaire la véranda, le soleil ce matin est complice de l'affaire. La maison elle même semble se moquer, et d'un léger craquement : elle s'étire désormais comme un lézard sur son rocher.
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