Rien ne se passe vraiment comme prévu avec ce bouquin. Tout arrive de travers, ou plutôt en diagonale. C'est le frère d'une petite amie du lycée qui me fit découvrir "on the road" de Kérouac. Il me l'avait offert le jour de mes 18 ans. C'était un livre de poche tout bousillé qu'il avait trainé et lu durant son voyage en Indes. On disait "trip" à l'époque pas villégiature. Bref, j'ai lu avec circonspection et je m'y suis attaché. D'autant que celui qui m'en avait fait cadeau est mort d'une OD quelques mois plus tard. J'ai trainé le bouquin avec moi en voyage et j'ai finis par le repasser à un routard rencontré sur la plage au moyen orient. J'ai pensé qu'il en avait beaucoup plus besoin que moi. Il parait qu'il y a des gens qui abandonnent volontairement des livres pour suivre ensuite leur parcourt après sur internet**. Pour ma part je ne prête plus mes bouquins : je sais qu'on ne me les rendra pas. Donc je préfère les donner et je me fiche totalement de ce qu'il deviennent aprés. Ce qui compte c'est qu'ils procurent du plaisir à ceux qui les lisent... Mais avec "sur la route" rien ne se passe comme prévu. Je finissais l'installation d'une expo à Caen, un soir de juin, j'ai vu ce routard que j'avais croisé des années plus tôt, arriver en souriant. Il avait les cheveux courts mais toujours la barbe. Il me ramenait le bouquin fatigué et balafré. Certaines pages avaient été annotés et d'autres recollées avec du ruban adhésif. Bref, on a refait la fête, on a refait le monde sur la plage avec des filles et des guitares. On s'est dit qu'on était ni des voyageurs ni des poètes puis on est repartit vivre chacun de son coté en imaginant la fin *. L'an passé, lorsque la photographe Alecska est partit rejoindre notre amie France's dans les caraïbes avant d'aller à Montréal, je voulais à tout prix lui refiller la relique. C'est le genre de présent qui ne manque pas de style. Mais j'ai eu beau fouiller et retourner ma bibliothèque : j'étais bien incapable de remettre la main dessus. Du coups, de rage, j'en ai racheté un, un beau "sur la route" avec la couverture Galimard. On dirait que Kerouac s'embourgeoise un peu avec le temps. Et voilà que je le relis encore un peu avant de le donner à mon amie, depuis un an, par dose homéopathique, avec la trouille que cette histoire ait mal vieillit. Et puis je le met dans mon sac : il faut qu'il voyage un peu avant de lui envoyer. Mais comment peut-on relire un bouquin durant un an ? Est-ce que "sur la route" est devenu chiant ? Ou est-ce moi qui ait changé ? je le relis avec circonspection. De toute façon rien n'arrive jamais comme on voudrait avec ce livre.
* On ne connait pas la fin de " sur la route " : le dernier mètre du manuscrit est perdu. Il semble que Potchly le chien de Lucien Carr aurait machonné le bout de texte. Le manuscrit original se composait de neufs "carnets" en forme de rouleaux qui comporteront au total 955 pages commencés en octobre 1951 au sous-titre de "vision of Cody"
Les images proviennent d'une sélection réalisée par l'artiste canadien Jon Rafman, auteur de recherches titanesques dans les méandres du service de Google. (Crédit : Google Street View de Google).
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