le voleur de silhouettes

Chroniques sur le sourire du singe - Laurent Nicolas

Un livre original dans son histoire et dans sa narration 
Yvon eirman
Une belle lecture fluide et rapide.
les avis d' Agrippine

Le jour de l’enterrement de Fred, plusieurs de ces proches s’interrogent sur les raisons de son décès.  Ils se mettent à rechercher les dernières personnes ayant rencontré. le défunt et dépistent une petite faune de personnages parisiens étranges ou fascinants. Ils découvrent que leur meilleur ami fréquentait de vieilles dames érudites, des anciens mercenaires, des trafiquants d’antiquités et des chasseurs de trésor. À chacune des nouvelles du recueil se dessine la personnalité de Fred, son histoire s’entrechoque avec celle de quelques quartiers Parisiens. Truffé d’anecdotes et de surprises, souriant et vivant, ce récit de silhouettes parisiennes se lit comme un roman d'aventures.  
Laurent Nicolas est l'auteur de Nuits off & le voleur de silhouettes chez le même éditeur. Parisien et artiste, il pense que Paris n’est pas simplement faîte de briques et d’histoire. La ville est bâtie également des récits et des imaginaires des personnes qui l’animent. 

Editions lilo 16€

01016 • le mag

Jardin secret

Roche Noire (La Réunion) 


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Cheyenne

 

 

 

L'animal a bien passé la frontière et a même obtenu ses papiers pour circuler sur le territoire. Il arrive du Michigan où il est né en 1974.  Il ne s'agit que d'un incroyable tas de ferraille autour d'un moteur V8 qui relève bien évidemment de la mythologie. Il lui arrive encore de temps en temps de fredonner quelques morceaux de country music mais il reste très discret sur son rôle de figurant. Ceux qui pensent que les objets n'ont pas d'âme devront revoir leur jugement. Si la question posée à Mâcon en 585, puis confirmée au concile de Trente a pris 1535 années pour celle les femmes ; on est en droit d'espérer pour celle des pick-up. Pour l'heure, je n'envisage de pèlerinage en bourgogne que pour de pieuses raisons oenologiques.  J'ai décidé en attendant de lui faire jouer un rôle de choix dans le transport des nouvelles toiles dont le format devrait coïncider avec la contenance de la benne.  Pour le reste, il faudra encore du temps...

 

chevy 73

Mémoires superposées

 

Je suis allé jusqu’à la Veilleuse de Belleville, la terrasse que fréquentait mon grand-père paternel : Gabriel.  Je ne peux me résoudre à penser que les lieux n’ont pas de mémoire. Il suffit de s’assoir là, commander un café et regarder dans le miroir pour voir remonter quelques souvenances. Gabriel jouait aux dominos chaque jeudi en buvant l’anisette. J'étais enfants, je dessinais ou faisais mes devoirs sur la table du coin. On racontait des histoires d’avant-guerre. Le lieu était habité d’autres souvenirs à l’époque. Comme si les souvenirs des autres s’empilaient sur les nôtres. Je me souviens de Monsieur Georges buvant un picon bière. Cette année-là l’état d’urgence flottait en uniforme dans la rue étant donné le putsch d'Alger. Je me souviens que la serveuse me souriait en m’apportant une limonade. Je me souviens que son mari travaillait dans un fort aux halles. Je me souviens que la police avait des camionnettes que l’on appelait des "paniers à salade", tout gris et rond comme des suppositoires. Je me rappelle que l’atelier de la rue Olivier Métra ferma en pleine journée malgrés les commandes en cours. Les machines à coudre avaient arrêtées leurs cliquetis pour ne plus laisser place qu’à un silence inhabituel. Il me reste des reflets de mémoires dans le miroir, mais aussi des parfums et la douceur des tissus que l’on caresse en écoutant le grand-père discuter de la situation préoccupante avec les clients. Ils parlaient de la police qui avait pris le métro à Charonne. Mes souvenirs transforment ces gens en fiction , je me souviens de George Perec évidement. Ils racontent que le grand miroir de la brasserie n'a pas peur des attentats, il a résisté à un obus de la grosse Berta qui blessa une chanteuse mais ne le brisa pas.
J'écoute ces reflets de résurgences remonter à la surface.  

J’ai la tête dans toutes ces mémoires superposées jusqu’à ce qu’une silhouette s’approche. S’assoie en face de moi. 
Ai-je l’air étonné ou simplement perdu dans mes pensées ?  
La jolie fille grimace, elle a l’air exaspérée :
- Nous avons rendez-vous, tu ne t’en rappelais pas ?
J’avais complètement oublié la raison de ma venue ici.