Clap de fin, après 4 années de bon et loyaux services, l’atelier Moreau ferme ses portes. L'atelier aura joué son rôle d’espace de travail et de rencontre, d’art et de littérature.
Cher atelier,
Il est temps de parler alors qu’on ferait mieux de se taire.
Pour ceux qui parle l’argot je dirais plutôt : ça y est c’est l’heure de sortir son cliché alors qu’on ferait mieux de coucher sa bavarde.
Voici venu le moment de palabrer un peu tous les deux toi et moi.
Cher atelier, nous avons fait connaissance lorsque que tu étais à l’abandon et qu’il fallait conjuguer capharnaüm avec fourbi pour te traverser.
En 2012 je t’ai un peu secoué, restauré, relifté et délesté de ton attirail, ton barda, fatras, de tout le foutoir et tout le toutim.
Tu as assisté serein à l’abatage des cloisons, des fenêtres et toujours aussi calmement tu as entrevu quelques soirées particulièrement arrosées. Cher atelier : heureusement que toi comme les poissons n’êtes pas dotés de la parole. Vous dégoiseriez sur d’aucuns qui crèche ici ce soir et j’en vois rougir rien qu’a l’idée de ce que tu pourrais lâcher sur eux et l’état dans lequel tu les as vu partir…
Car il y aurait autant de nuits off à raconter que d’histoires d’une menteuse. Heureusement tu n’es qu’un atelier et tu ne te livres pas si facilement mon vieil ami.
Notre histoire d’amour sans queue ni tête n’est en définitive qu’un quiproquo : durant tout ce temps les clefs étaient sous le paillasson et tu ne m’a pas pour autant traité de rossignol.
Cher atelier, tu nous auras vus peindre, boire, écrire, danser, dédicacer, boire encore, très peu, juste quelques verres. Tu nous a donné à voir au bout de tes sublimes ivresses, à travers ta fenêtre et dans la cour pavée : il y avait l’écume, la mer et la confiture de groseille.
Mais nous avons aussi travaillé, reçus des fournisseurs et des demissioneurs à gages.
Nous avons fait quelques soirées ou rien ne manquait, pas même les amuses gueules, la vodka et les herbes de Provence qui vous mettent la tête à l’envers du monde.
Bref , bref donc comme dirait notre vil ami émordilap; bref donc voilà la nif, …
Toi l’atelier d’artisan, garçonnière oubliée en entrepôt. Redevenu un temps atelier d’artiste, tu vas te métamorphoser en cambuse à rupin, en logis cossu et confortable de proprio.
Ravale tes larmes et ton sourire de singe, comme La bastoche s’est délesté de ses loufiats, les faubourgs à bobos ont remplacé les chourineurs.
Ca y est mon vieux ! il est temps de balancer les alènes, de quitter le métier d’artiste pour celui de logement honnête.
Toi qui a connu la vie de la Bastille à l’époque des argousiers, des margoulins, et des voleurs de silhouettes : tu vas enfin prendre une retraite méritée. Déguster l’apathie du rentier…
Quoi qu’est ce qu’il y a ?
Que dis-tu ? ha oui quant à nous ? qu’allons-nous devenir ?
tu t’inquiètes ? Tu m’étonnes, toi qui connais si bien l’argot :
nous on va aller voir Madame la rue comme disent les chiffonniers pour qui la rue est l’atelier.
On va aller au turbin et continuer de bosser dur, car la peinture et les mots sont à la rue le ciment des pavés.
Adieu mon ami l’atelier, bravo à toi, on va lever nos verres et te remercier : c’est promis on t’enverra de nos nouvelles…
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