Il sourit derrière sa barbe, lui aussi doit souffrir du même mal que moi. J’en suis convaincu.
— Vous savez les gens ne s’intéressent plus qu’à eux, ils ne voient plus les autres, murmure-t-il. Certains ne lèvent même plus les yeux de leurs smartphones.
Ainsi, ma pathologie ne serait finalement que les prémices de la cécité définitive d’une civilisation vaniteuse. D’une amblyopie collective.
Je repars en remerciant encore le marchand de journaux. Je reprends mon chemin. Je me surprends à siffloter : la catastrophe qui s’annonce ne semble plus vouloir m’atteindre, j’y suis imperméable. Je regarderai le spectacle comme si j’admirai une locomotive lancée à pleine vitesse. Elle dépassera le quai, arrachant les parapets, fauchant toute âme sur son passage ne laissant derrière elle que désolation, solitude et fureur de la guerre.
Moi je regarderai le désastre avec un sourire insolent en je sifflotant une chanson de Charles Trenet.
Le boulevard fourmille de véhicules, de bus, de vélos, de voitures ; les trottoirs de piétons roller et poussettes. Les humains s’entrecroisent sans cesse en silhouettes solitaires. Et bien que ce ballet incessant s’enchevêtre en interconnexions imprévisibles et aléatoires, aucun d’eux jamais ne s’entrechoque. Mieux, chacun et chacune regardant de manières compulsives l’écran d’un téléphone parvient de manière instinctive à éviter l’autre, semblant doté d’un nouveau sens. Nul ne relève la tête marchant à l’aveugle vers des vies indifférentes.
terrible : j'adore
Rédigé par : valerielm | 07 mars 2017 à 20:06