J'écrivais beaucoup et je recevais des lettres d'amis en voyages en de lointaines contrées. J'avais une passion pour la lenteur d'une réponse, les semaines s’écoulaient parfois sans que l'on ait des nouvelles des uns ou des autres. De cette lenteur, une certaine poésie semblait se nourrir. Nous nous écrivions d'un café de Lisboa, de Catane ou de Juan les pins. Nous déposions les superbes missives tracées au stylo-plume sur le papier en tête d'un hôtel outremer dont le nom même portait le parfum des vagabonds. Le Palazzo Santa Caterina de Taormina, l'hôtel Métropole de Monaco...
Puis est arrivée la téléphonie mobile et avec elle la dictature de l'immanent ! Nous sommes tous, tout à coup, devenus les joués et les victimes du voeu d'instantanéité ... Au boulot, dans la vie privée, entre amis et en famille. Appels inopinés, mails, sms, messages, tweeter, Facebook s'entrechoquent parfois pour ne nous donner à voir que la couleur du repas, du hall d'aérogare. La technologie qui crée le lien et la proximité n'avait pas intégré qu'avec elle se cachait la dictature de la réponse immédiate... Une instantanéité qui réclame avec véhémence son like, sa réponse en retour. Notre quotidien et nos voyages se partagent dans une affligeante banalité ; ainsi les plus beaux moments semblent tout à coup frappés du format smartphone. Tout, même l'exceptionnel revêt définitivement l'aspect d'une photo digne d'une publicité pour un dentifrice au mieux et laisse le plus souvent l'impression d'un dépaysement digne d'un Starbuck. Personne n'avait vu venir le vulgaire dans l'instantané généralisé de nos relations humaines. Nous recevons ainsi à longueur de journée une surabondance de "coms" appelant de leur voeux une réaction imminente de notre part ! Et garde à celui qui tarde à répondre : les foudres de la civilisation connectée s'abattront sur lui !
Or, il arrive parfois que l'on soit aux toilettes en ayant oublié son téléphone et d'autres moments où se promenant en forêt on ait seulement besoin de réfléchir avant de répondre ... Et prenant un selfies contre un chênes centenaire on s'empresse de le publier en se demandant à quoi tout cela peut bien servir ?