En 2014, naissait un recueil enfin constitué de nouvelles qui mettaient en scène Arsinoé, mon héroïne, ma came, ma vie rêvée, une sorte de guide de voyage erotico-humoristique où je compilais des souvenirs de lieux, de sensations et où tout finissait la tête en bas.
Garder la trace de l’émerveillement de premiers pas dans la coupole de verre renversante du Grand-Palais, des tessons de porcelaine de Samarcande, d’une chevelure brune hypnotique sous des flocons de neige imaginaires, de la pluie sur le périphérique, du soleil de minuit. J’étais biberonné aux nouvelles de Schnitzler et au souvenir définitivement marquant d’un professeur qui pourfendait l’esprit de sérieux. Je refusai toute consistance psychologique à mon personnage - par dégoût de l’auto fiction racoleuse- mes nouvelles n’avaient pas de trame narrative, et visaient la poésie descriptive.
Pas grand monde ne me comprit. Et puis il y eut Les éditions Lilo (Lydie et Laurent) que je fis immédiatement marrer - je pense- et rêver -j’espère. Ils me firent appréhender un sens de la fantaisie dans l’existence qui était nouveau pour moi -je suis souvent très sage- et j’eus immédiatement les yeux écarquillés. 10 ans d’édition de nouvelles et de recueils collectifs, auxquels je pris part et une amitié folle avec Caroline Capossela, Electre, Bri gitte Virginie et autre Antoine... Des souvenirs un peu zinzins : Laurent qui donne des recueils à tous les gens qui passent, Lydie qui se fait construire un ascenseur pour ses bouteilles de vin, sa patience et sa gentillesse, la découverte de la magie de la radio -d’ailleurs si quelqu’un cherche un chroniqueur- le goût de l’absurde et du mensonge, et les conférences gesticulées. Un jour dans la rue j’offrais mon recueil à Michel Field, respect éternel au créateur du Cercle de minuit qui m’a permis de découvrir Björk et Breaking the Waves- il faut dire que les retours presse pour Arsinoé furent inexistants et que sur internet, une seule critique, abominable surnage et fait mourir de rire mon aîné à chaque lecture.
Deux semaines plus tard, je revins lui parler « C’était une belle lecture, vous pouvez dire aux Éditions Lilo qu’elles font un très bon boulot ». Non Michel, elles n’on pas fait un très bon boulot, ce fut un petit art de vivre.
Parmi les nouvelles publiées chez Lilo ma plus réussie met en scène une skieuse des années 1930, Nicole Villan. Un après-midi je rencontrais au siège de Lilo, l’atelier, sa petite fille, si émue de passer une journée avec sa grand-mère -qu’elle n’avait que fantasmée. Elle avait remué ciel et terre pour nous rencontrer. Je ne lui dis pas que j’avais tout inventé, grâce à toi Lydie. Je suis toujours le dépositaire d’un recueil de coupures de presse sur Nicole Villan, précieux, qu’elle m’a prêté et dont elle ne s’inquiète pas du retour comme si je faisais partie de sa famille.
Il y a peu Lydie je t’ai demandé qu’Arsinoé reprenne sa liberté et tu me l’as accordée immédiatement , si raccord avec la tienne, éditoriale. Je souhaite qu’elle revienne, différemment.
Et il y a quelques jours tu as annoncé le retrait des Editions Lilo la fin de ces dix jolies années. Merci à toi et à Laurent, puissiez-vous rester toujours aussi libres et étonnants.
Stephan Pardie 2020
Lydie Dubol des éditions lilo ....
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